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A Londres, le feu dans les yeux des victimes de la Grenfell Tower

Quelques dizaines de personnes se sont rassemblées au premier étage de Church House, le siège de l’Eglise d’Angleterre, un imposant bâtiment situé juste derrière ­l’abbaye de Westminster, à Londres. Ce jeudi 25 janvier va commencer la troisième matinée de la « semaine des témoignages » des victimes du terrible incendie de la tour Grenfell, à l’ouest de la ville, qui, dans la nuit du 14 juin 2017, fit soixante-douze morts, dont dix-huit enfants.
C’est un exercice inédit : en mai 2023, à l’issue d’un procès au civil, les survivants et les familles endeuillées (900 personnes au total) ont obtenu 150 millions de livres sterling (176 millions d’euros) de dommages et intérêts, mais aussi le droit d’organiser une rencontre avec les acteurs qu’elles tiennent pour responsables du drame, afin de leur raconter leur traumatisme les yeux dans les yeux.
Ont ainsi été invités les élus du très chic arrondissement de Kensington et Chelsea, le propriétaire de la tour de vingt-quatre étages, qui faisait peu de cas de la sécurité de ses habitants, les entreprises ayant fabriqué les revêtements inflammables dont elle était recouverte ou les pompiers qui ont conseillé trop tard aux habitants de fuir le bâtiment transformé en immense torche.
Il s’agit d’un puissant exercice cathartique, d’autant plus intense que, près de sept ans après cette tragédie, aucun procès criminel n’a encore eu lieu, la police expliquant vouloir attendre la fin (pas prévue avant l’été) d’une enquête publique lancée par le gouvernement pour démarrer des investigations.
La séance commence comme une cérémonie religieuse : les noms des soixante-douze disparus sont égrenés sur un écran géant, puis l’assistance respecte soixante-douze secondes de silence. Les témoignages peuvent commencer : ce sont des films, des montages photographiques retraçant la vie des défunts, des prises de parole de proches. Les résidents de Grenfell formaient une communauté soudée, des ménages avec enfants, de jeunes actifs, des retraités, tous avaient en commun d’être originaires de milieux plutôt modestes, souvent issus de l’immigration.
La famille de Sheila, 84 ans, grand-mère aimante et indépendante, est venue au complet. Son fils aîné, Martyn Smith, s’est présenté avec son épouse, son frère cadet et sa fille, Harriet. Sheila habitait au seizième étage. Elle se plaignait souvent des ascenseurs défectueux ou des odeurs bizarres de gaz dans l’immeuble. Le feu s’est déclaré aux alentours de minuit dans un appartement du quatrième étage, il a très vite gagné les niveaux supérieurs.
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